LES EXCENTRIQUES
MAURICE SACHS - INTRO ET SOMMAIRE
 
Maurice Sachs
Chapitre 2
   

 

Où notre héros trouve un beau-père, cherche un père et perd une mère...

"Savais-je jamais tout ce que j'allais découvrir des hommes, lorsque tout enfant je riais de si grand coeur à la nature entière? Mon rire se serait glacé. J'aurais étouffé de chagrin et d'amertume si j'avais su alors ce que je devais tant savoir. Toute cette noirceur humaine, toute cette fange, auxquelles nous nous accoutumons peu à peu, j'ai mis bien longtemps à y croire." (Derrière cinq barreaux.)

 


En février 1921, Andrée Sachs rencontre Michel-Georges Dreyfus. Beau personnage d'homme de lettres, il fréquente, sous le nom de Michel-Georges Michel, les clubs et les salons parisiens, collectionne les décorations et produit une oeuvre littéraire dont l'abondance ne suffit pas ã masquer la médiocrité. Andrée voit en lui le mari idéal : décoratif et sans volonté. L'assaut est rondement mené. D'abord faire courir le bruit que, le Saint-Esprit aidant, elle est enceinte de Michel-Georges Michel. Et, quand l'infortuné écrivain réclame des explications, lui mettre le marché en main : s'il l'épouse, il trouvera dans la corbeille de noces l'héritage de Georges Sachs, le bijoutier. "Je n'étais pas riche, pleurnichera plus tard Michel, et j'eus la faiblesse de la croire. Je ne devais pas tarder à déchanter." Le mariage a lieu le 14 juin 1921.

La faiblesse et la médiocrité de son beau-père ne pouvaient qu'exciter le mépris du jeune Maurice Sachs. D'autant qu'Andrée refuse d'héberger son fils sous le toit conjugal et l'envoie habiter chez sa grand-mère, Alice Bizet, rue de la Faisanderie, dans le XVI° arrondissement : "Cela ne faisait pas mon bonheur. J'étais jaloux de maman et, ne pouvant plus la voir à mon gré, je n'avais plus envie de la voir du tout, grâce à quoi je passai à l'égard de mon beau-père, d'une certaine curiosité à la haine la plus excessive". (Le Sabbat).
Alice Bizet se montre aussi aimable que gentille vis-à-vis de son petit-fils, l'emmenant avec elle en vacances, l'introduisant dans les salons littéraires et politiques qu'elle fréquente. Mais elle irrite Maurice Sachs, malheureux d'être encore une fois repoussé par sa mère : "Elle était fière de n'avoir pas l'air d'une grand-mère. Moi, je lui en voulais beaucoup." (Le Sabbat). Le jeune homme que les études ennuient (il sèche tous les cours qu'il peut, payant tel ou tel camarade pour passer les examens à sa place) décide de profiter des relations d'Alice Bizet pour tenter de se faufiler dans le beau monde.

Mais les rencontres que peut y faire un jeune homme de quatorze ans, livré à lui-même et en mal d'affection, vont du meilleur au pire. Du côté du meilleur, on trouve René Blum, esthète et dilettante, frère de Léon Blum. Encourageant la passion de Maurice Sachs, qui a hérité des livres de son grand-père, pour la lecture, il lui ouvre les portes de sa bibliothèque. Sachs profitera amplement de l'hospitalité, du savoir et de l'amitié de cet
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Abel Hermant
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homme généreux, de ses relations aussi. Il l'en remerciera en le portraiturant à l'acide : "Un de ces hommes exquis mais inutiles, sinon aux autres du moins à eux-mêmes. Un être gâché par la facilité. A qui sa facilité a suffi, qui n'a pas eu plus d'ambition que sa rente." (Tableau des moeurs de ce temps). La reconnaissance est une des nombreuses qualités qui font défaut à Maurice Sachs.

Le pire, on le trouve dans l'épisode Abel Hermant, que Sachs raconte dans Chronique joyeuse et scandaleuse avec une cruauté et une crudité féroces. Comme Anatole France, Abel Hermant est une de ces gloires littéraires que le temps se charge de déboulonner. A l'époque, il a une soixantaine d'années, une centaine de romans et pièces de théâtre à son actif, la légion d'honneur et un fauteuil à l'académie française obtenu à l'usure. Il donne des articles aussi bien au Temps qu'à L'Humanité. Et c'est l'écrivain qu'Alice Bizet admire le plus.
Qu'elle le présente au grand homme, flatte l'amour-propre et le snobisme de Maurice : "Il faut avouer que je me sentis très fier et le plus naïvement du monde. (...) Cela me faisait follement plaisir d'être là, intimement assis à ses côtés, et de le voir m'accorder de si attentifs égards. Il inclinait la tête, à droite, pus à gauche, clignait de l'oeil, ajustait son monocle, écarquillait l'oeil pour laisser tomber le verre (...) puis il faisait une grimace de stupidité, qu'il pensait devoir "faire jeune", ébrouait sa moustache comme un dindon sa queue, gonflait ses joues et croyait sourire. Pour accompagner cette mimique, il me tapotait les mains. J'étais ébloui, je l'avoue. Fallait-il que je fusse bête!" (Chronique joyeuse et scandaleuse).
Ne croyant guère sans doute à la naïveté du jeune homme, le vieil académicien l'invite à dîner dans un petit restaurant de la rive gauche. Après le repas, Hermant propose à son invité de lui dédicacer un de ses livres. Maurice continue de jouer les oies blanches et raccompagne l'académicien chez lui : "Que j'étais enfant! Cela me fit plaisir et je ne pressentis rien d'extraordinaire."(Chronique joyeuse et scandaleuse).

Frétillant autour de sa conquête, Abel Hermant fait les honneurs de son appartement : le salon-bibliothèque et ses meubles du XVIII°, le cabinet de travail, la salle de bains "américaine", et surtout la salle de bain de parade "aménagée comme une salle de bains pompéienne (...) La baignoire faisait romain, les murs étaient traités à la fresque (copie de Pompéi même). Auprès de la baignoire, sur un ixe, on avait négligemment laissé (oh! mais avec quel soin) un exemplaire du "Divin Platon". Une table de marbre, quelques chaises à l'antique complétaient l'atmosphère que ne dérangeait qu'une grande bergère couverte en satin à raies et dont le siége se levait pour découvrir une cuvette de cabinets ; en appuyant fort sur les bras de ce fauteuil on obtenait les avantages du tout-à-l'égout." (Chronique joyeuse et scandaleuse).
On passe dans la chambre. Hermant défait le grand lit, y étale un peignoir de bains : Eh Meussieu, que me dirait mon valet de chambre s'il apercevait une tache? Oui, que dirait-il?" Puis il se déshabille. "Ce n'était point un spectacle attrayant, constate Sachs. (...) La tête à la renverse sur le tapis, les jambes allégrement butant l'air, on eût dit un monstrueux bébé, un bébé polu posant pour sa première photographie. Ah quel dégoût!" (Chronique joyeuse et scandaleuse). L'étreinte est brève, sordide et déprimante. Maurice Sachs en tire une morale : "Il ne faut quand même pas coucher avec quelqu'un que l'on méprise."

Mais les morales sont faites pour qu'on les ignore et Sachs revient plus d'une fois chez Hermant. Pour s'amuser, il vole à l'académicien ses rosettes de la légion d'honneur ou sa robe de chambre préférée. L'académicien ayant eu l'imprudence de dire que cette robe allait mieux au jeune homme qu'à lui, Maurice Sachs estime qu'il la lui a pour ainsi dire donnée. Leur relation prend fin le jour où, s'enhardissant, Sachs demande deux mille francs pour prix de ses services : "Lorsqu'un jour je le croisai dans la ruen, prudemment il prit soin de ne pas me saluer."couche à (Chronique joyeuse et scandaleuse).
Ce récit est typique de la manière de Sachs qui, s'il s'acharne sur le vieil académicien, ne dissimule rien de sa propre veulerie et semble au contraire se délecter de son ignominie. Il ne se cherche aucune excuse : il a suffi que Hermant lui dise qu'il était beau pour qu'il lui cède malgré le mépris, le dégoût et la certitude qu'a Sachs d'être laid. La dérision dissimule mal son malaise : ce vieil homosexuel pathétique, cet écrivain pitoyable, ce pourrait, s'il n'y prend garde, être lui dans quelques dizaines d'années. Chez Sachs la haine des autres sert souvent de masque à la haine de soi.

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Sachs, malgré ses dénégations, cherche un père, un homme qu'il puisse admirer et imiter, un homme qui le guide, qui l'aime. De façon désintéressé et sans rien espérer en retour. Cet homme, il croit le trouver en la personne de l'ex-époux d'Alice Bizet.
Et comment le jeune Sachs ne serait-il pas fasciné par la personnalité étrange de Jacques Bizet? Grand bourgeois et ami de Marcel Proust, le fils du compositeur de Carmen a fait fortune en fabriquant avant la guerre des voiturettes bon marché et en mettant l'automobile à la portée de tous. Ces voitures, légères et passe-partout ont été durant la guerre commandées en masse par l'armée qui les utilisait comme engins de liaison. Cette fortune, Jacques Bizet la dépense en plaisirs extravagants : dans les caves de l'immeuble qui abrite la Société anomyme des automobiles Le Zèbre, il fait installer d'immenses aquariums où nagent des poissons exotiques. Son grand appartement du boulevard Malesherbes, décoré en style Guimard, est encombré de meubles, de tableaux et de bibelots.
Dans cet appartement trop vaste, où plus personne ne vient, Jacques Bizet se drogue à la morphine et à la codéine. Il passe des heures à errer, son revolver à la main, d'une pièce à l'autre, tirant parfois par une fenêtre, parfois sur un vase ou un animal de porcelaine.
Sa famille l'a abandonné. Ses amis le considère comme un homme perdu, une épave. Il n'en faut pas plus à Maurice Sachs pour rechercher la compagnie de celui que les autres rejettent et qui pour lui en prend une stature légendaire. Etrange compagnie que celle de ce mort vivant : "Il n'en restait qu'une grande carcasse vidée, en ruines, où l'âme, avant de partir, avait laissé, en souvenir d'elle, quelques tics. Car l'âme n'attend pas toujours notre mort pour sortir de nous." (Le Sabbat). Le jeune homme sèche less cours pour venir tous les matins admirer ce vieillard de quarante ans, malade et silencieux, toujours à demi abruti de drogues.
Maurice Sachs se reconnait en Jacques Bizet. Il choisit donc cet homme seul, chancelant, irresponsable pour lui servir de père et, comme un bon fils se doit de le faire, s'efforce à l'imiter, de reproduire sa conduite, la justifiant ainsi aux yeux de sa famille. Avantage de la manoeuvre, Sachs justifie par la même occasion sa propre conduite : "J'eus envie, à cause de lui, de drogues, d'alcools envie d'engraisser, envie de m'avilir." (Le Sabbat).

Pour ne rien arranger, Jacques Bizet se livre à des jeux sado-masochistes avec une jeune femme blonde, "très mince, fort belle, énigmatique, capricieuse et distante" (Le Sabbat), qui se plaît à l'attirer, le repousser et l'humilier. La présence du jeune Maurice Sachs ne fait que pimenter ce rituel pervers. A Cabourg, la jeune femme défie Jacques Bizet de la rejoindre dans sa chambre, au troisiême étage, en passant par la fenêtre : "Il le fit. Penché sur la balustrade, je voyais cet homme trop lourd, aux mains généralement mal assurées, qui s'agrippait de pierre en pierre au-dessus du vide. Il revint par le même chemin sans même avoir, je crois, reçu de récompense." (Le Sabbat).
Et bientôt l'adolescent devient plus qu'un simple spectateur. La dame blonde s'amuse à l'attirer dans quelque coin et à le saouler au cognac. Le comportement de Jacques Bizet est de plus en plus inquiétant : "Un matin, il chargea son revolver, tira une balle par la fenêtrte pour me montrer qu'il était bien chargé et me mit le canon dans la bouche, droit contre le palais. Puis il plaça mon index sur la gâchette et me dit : "Quand tu auras assez de la vie, c'est comme ça qu'il faudra te tuer. C'est propre et on ne sent rien." C'est par hasard que je ne mourus pas ce matin-là." (Le Sabbat).

Peu de temps après, le 3 novembre 1922, Jacques Bizet suit son propre conseil et se suicide d'une balle en pleine tête. Maurice Sachs va le visiter une dernière fois, sur son lit de mort : "Comme il était jeune et beau!" (Le Sabbat). Une terrible déception attend cependant Sachs. Il a aimé, vraiment aimé, ce semblant de père qu'a été pour lui Jacques Bizet. Il avait "communié avec son malheur".(Le Sabbat). Et voilà qu'il apprend que Bizet, dans le testament qu'il a rédigé juste avant de se tuer, ne lui laisse rien : "M'aimait-il? Je le croyais. Et pourtant il n'avait pas pensé à moi en mourant : il n'avait même pas griffonné un petit mot à mon attention. Cela me rejeta plus fort que jamais dans ma solitude, et puisque Jacques m'avait oublié à sa dernière heure, il me sembla que le monde vivant me tournait le dos, comme le mort s'était détourné de moi pour entrer dans sa tombe." (Le Sabbat).

Cependant es études se rappellent au bon souvenir du jeune homme. Il est (nominalement si pas physiquement) en classe de 1re et le baccalauréat se profile à l'horizon. Mais un matin de mai 1923, le téléphone sonne chez Alice Bizet : Andrée Sachs a disparu. Elle passait le week-end à Deauville et n'est pas revenue. Plus ennuyeux encore, elle a, avant de partir, signé un certain de nombre de chêques en bois, dont un, pour un montant de 60.000 francs, au président de la Chambre syndicale des marchands de perles.
Il n'aura fallu que trois ans à Andrée Sachs pour venir à bout de la fortune laissée par son père (sans oublier les 700.OOO francs laissés par Georges Sachs à Maurice et qu'elle administrait légalement pour lui). Quand Maurice Sachs, trop heureux de cette occasion de ne pas aller en classe, arrive au bureau de l'entreprise familiale, c'est pour constater que le coffre-fort est vide. La faillite est là, et le scandale, cavaliers d'une apocalypse bourgeoise. Il ne manque au tableau que le suicide de la faillie. C'est l'issue que redouten (ou souhaitent?) l'avocat et l'époux d'Andrée Sachs. Maurice ne voit dans tout ce drame que le début d'une aventure et la chance inespérée de se rendre intéressant aux yeux de sa mère en volant à son secours.

Le soir même, il prend le train pour la côte normande, consentant à s'encombrer de Michel-Georges Michel "à la condition expresse qu'il ne chercherait pas à voir ma mère." (Le Sabbat). L'homme de lettres n'est que trop heureux d'abdiquer toute responsabilité entre les mains de cet enfant de 15 ans. Et tandis que le beau-père pleurniche, certain qu'il est qu'Andrée Sachs a préféré la mort, et plus précisément la noyade, au déshonneur, Maurice entre dans la peau de son personnage de chevalier servant : "Je savais que je ne pleurerais pas quel que soit le spectacle qui pût m'attendre et que je serais dur et présent." (Le Sabbat). Il saura se monter digne de l'amour que sa mère ne lui porte pas.
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HOTEL NORMANDY
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L'hôtel Normandy à Deauville offre au drame le décor adéquat : un luxe cossu, un personnel stylé et surtout de longs couloirs vides où les pas de Maurice Sachs "résonnent assez effroyablement." (Le Sabbat). Devant la porte de la chambre, Maurice hésite : et si sa mère était vraiment morte? Il frappe à la porte. Pas de réponse. Les larmes lui viennent, des larmes d'apitoiement sur lui-même autant que de chagrin ; "Comme j'aimais ma pauvre maman dans cet instant solennel!" (Le Sabbat).
Le concierge force la porte. Andrée Sachs gît sur le lit "presque morte mais les larmes que ma vue lui fit verser la soulagèrent." (Le Sabbat). Le drame bourgeois vire au conte de fées. L'apparition du preux chevalier suffit à ressusciter la princesse. Andrée avait certes avalé des somnifères mais la dose était trop faible pour être dangereuse. Serrant son fils dans ses bras, elle le persuade sans peine que tout est de la faute de son beau-père. Maurice Sachs congédie Michel-Georges Michel sur le champ : "Il n'insista guère, me donna huit cents francs qu'il avait sur lui et quitta l'hôtel. Nous ne le revîmes jamais." (Le Sabbat).

Le lendemain, Andrée et son fils dressent leur plan de bataille. Les nouvelles sont mauvaises : aucune aide à attendre de la famille qui refuse d'avancer un franc et un mandat d'arrêt a été lancé contre l'aventurière en fuite. Le dilemme est simple : se livrer ou passer à l'étranger. Or, le hasard faisant vraiment bien les choses, Andrée Sachs a justement dans son sac un passeport en règle pour l'Angleterre. La décision est vite prise : elle s'embarquera à Dieppe pour traverser la Manche. A charge pour son fils de 15 ans de faire face seul à la famille indignée et aux créanciers floués.
Sachs s'attend à être accueilli en héros. N'a-t-il pas fait acte d'amour filial en sauvant sa mère de la mort d'abord, de la prison ensuite? Il déchante vite. Loin de l'admirer on l'accable de reproches : "Ce fut la première fois que je pris bien la mesure de la bassesse bourgeoise, mais je ne devais jamais l'oublier. Pas un membre de ma famille qui ne me fit grief de ce que j'avais fait de mieux jusque là, dans ma vie, du seul geste humain et utile de mon existence. Tout le monde me condamna d'avoir porté secours à une femme éperdue, tout le monde me blâma d'avoir été me ranger aux côtés de ma mère." (Le Sabbat). Il en va de la mère de Sachs comme de Jacques Bizet. Plus on s'acharne sur elle, plus Maurice Sachs se sent proche d'elle. Il épouse sa cause pour mieux se reconnaitre en elle. Et même si sa mère n'a qu'indifférence pour lui, même si Bizet ne remarque pas son existence, même s'ils le repoussent, Sachs n'en a cure. Puisqu'il ne peut les rejoindre dans un amour réciproque, du moins partagera-t-il l'opprobe qui les accable. En se proclamant lui aussi coupable, il s'identifie à eux, ne fait plus qu'un avec eux et devient Jacques Bizet, devient Andrée Sachs : "En épousant la culpabilité de ma mère (...) je devenais l'envoyé spécial et extraordinaire du malheur et de la malhonnêteté, l'ambassadeur du mal, le représentant de tout ce qui est mauvais." (Le Sabbat).

Donc, si Maurice Sachs ment, vole, filoute et parfois pire, c'est au fond par amour. Comment pourrait-on lui en vouloir? Né coupable de par son hérédité familiale, Maurice Sachs devait bien un jour ou l'autre se décider à justifier par quelque méfait cette culpabilité. Mais la culpabilité ayant précédé et même provoqué le passage à l'acte, Sachs peut-il vraiment être tenu pour responsable des malversations et des trahisons qu'il commet? C.Q.F.D. Ainsi se trouve établi un procédé de défense dont Sachs usera et abusera. A chaque nouvel ami, il dira : "Vous êtes un homme bien, je suis un homme mal." Personne ne pourra se plaindre de ne pas avoir été prévenu...

Maurice profite de son passage à Paris pour vendre les livres hérités de Georges Sachs. L'argent lui sert à installer sa mère à Londres. Le bon René Blum le recommande à son cousin, Pierre Braunberger, qui lui obtient un emploi de vendeur dans une librairie d'Oxford Street. Le fils profite quelques mois de cette mère prodigue enfin retrouvée. Il peint (mal) et se fait un peu d'argent de poche en revendant les livres qu'il vole Oxford Street. Il poussera l'impudence jusqu'à les proposer à ... Pierre Braunberger.
Inquiet de l'avenir du jeune homme, René Blum lui offre un poste (inventé pour l'occasion) de secrétaire particulier et l'encourage à rentrer en France. Andrée Sachs, elle, reste à Londres. Elle déménagera bientôt, oubliant d'envoyer sa nouvelle adresse à son fils. Maurice Sachs mourra bien avant sa mère sans jamais l'avoir revue ou reçu un signe d'elle.

© Emmanuel Pollaud-Dulian
(Paris - Octobre 2000)

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