LES EXCENTRIQUES
ALBERT PARAZ - INTRO ET SOMMAIRE
 
Albert Paraz
 
Albert Paraz   Un Homme Libre

4 - Le premier non-résistant de France

   

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"Il cite souvent cette phrase qu'il attribue à Marcel Proust : "Je suis au fond de mon coeur tout acquis à celui qui est le plus faible et le plus malheureux", dont il tire l'indulgence à tout prix pour les réprouvés comme la sévérité pour les puissants."


Refusant de montrer ses papiers tant aux gendarmes de Vichy qu'aux F.F.I. (un flic est toujours un flic), Paraz continue de proclamer haut et fort ses opinions libertaires : "J'ai la justice et la liberté dans le sang. J'ai horreur du nazisme et du fascisme. Ce n'est pas le mot. Ils sont incompatibles avec mon air respirable. J'étouffe lorsque je les sens filtrer, sous toutes leurs formes. " Et il va au bout de ses idée, suivant une logique à contre-courant de l'époque : "Il n'y a pas plus nazi qu'un antinazi. Il n'y a pas plus fasciste qu'un antifasciste. Cela dépasse une vérité de raison, c'est une évidence sensuelle. Ils ont la même odeur, les mêmes aboiements, la même soif du sang de celui qui ne pense pas comme eux, la même haine de l'humour, la même joie à condamner sans jugement, la même stupidité. "

Si la tolérance de Paraz pour les hommes en tant qu'individus n'a pas de bornes, il en va tout autrement pour les idéologies. Il méprise tous les systèmes, toutes les doctrines politiques ou religieuses qui pourrissent l'homme, l'enchaînent et le transforment en meurtrier: "Les hommes ont trop tendance à se passionner. D'abord s'ils se passionnent, vous devez tenir pour établi que c'est pour une sottise, une infamie ou une fiente montée en crème chantilly. Jamais ils ne se passionnent pour l'amitié, pour l'honneur, pour l'art, pour le génie. Ils se passionnent pour la haine, la vengeance, pour lécher des bottes, pour hurler avec les loups. Il faut les empêcher de se passionner."

L'occupation et l'épuration, avec leur cortège d'horreurs, confirment son avertissement sinistre : "Il n'y a pas d'exemple qu'une infamie tolérée par les gens vertueux quand elle s'exerce sur les réprouvés, ne finisse par s'étendre rapidement à tous les citoyens." Assassinats, déportations, représailles, massacres, bombardements le mettent en rage. Peu importe l'uniforme, résistant ou collabo, milicien ou partisan, nazi ou communiste, pétainiste ou gaulliste, français ou allemand, un assassin reste un assassin et sa victime une victime.

Or Paraz a choisi de toujours défendre la victime contre l'assassin, le faible contre le fort. Le même homme qui clame " Hitler et ses moustaches, Mussolini m'ont toujours fait rugie de colère ", se déclare "le premier non-résistant de France" dès le 15 août 1944. Paraz, qui est à Paris, a vu les policiers qui naguère traquaient juifs et résistants se lancer dans la chasse aux collabos et aux miliciens : "Il pressentait dès cet instant quelque chose d'horrible, du moment que la police était dans le coup. Rien de tel que les bons principes pour vous maintenir dans le droit chemin. "

Il considère comme un devoir de s'élever contre la guerre sous toutes ses formes : " Il y a, entre le résistant actif et moi, un fossé qui se creuse toujours davantage. Moi, pacifiste, je ne continue pas la guerre en civil. La guerre me fait peur sous n'importe quel uniforme, sous aucun uniforme sûrement encore plus. Poignarder une sentinelle et faire fusiller des otages, ça pour moi c'est le comble. " Quant aux Allemands, "je savais qu'ils ne pourraient tenir tête au monde entier, (…) qu'ils ne résisteraient pas à une mâchoire d vingt millions de combattants d'un côté, et vingt millions de l'autre, armés jusqu'aux dents, qui n'avaient nullement besoin de mes V et de mes Croix de Lorraine dans les pissotières, qui avaient beaucoup plus fort que ça, des tanks, des avions et de l'essence." En 1945, les derniers combats, inutiles, contre les poches de résistance de l'armée allemande, le révulsent : " J'ai vu de près l'attaque des forts au dessus de Menton où quelques milliers de Provençaux se sont faits tuer pour peau de balle en 1945. Dire qu'il n'y aura jamais une veuve ou une mère qui cracheront à la face de l'excellence ou du général venu pour les décorer ! "

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S'il attaque la résistance, ce n'est pas pour défendre la collaboration, mais parce que le spectacle de "la résistance au pouvoir", de l'épuration, le révolte : "C'est au départ de l'ennemi qu'elle commence, égorge, pille, épure. Et les vrais résistants sont si bêtes et si veules qu'ils se font toujours les complices des épurateurs. Il y en a eu quelques-uns, comme le R.P. Bruckberger, Rémy, Mme de Suzannet qui l'ont compris. Pourquoi étaient-ils si peu nombreux ? "

Libertaire, Paraz a toujours réclamé l'abolition de la peine de mort et même la suppression des prisons. Les tueries entre Français, les représailles, les procès, les exécutions, le font vomir : "Pas de grands mots, ça soûle. Je ne veux pas vous dire que si vous souhaitez avilir votre semblable c'est vous-même que vous avilissez, je ne veux pas vous dire que vous crucifiez le fils de l'Homme une fois de plus. mais une saloperie vous retombe toujours sur le pif, ça vous pouvez le comprendre!"

Ses prises de position pacifistes, ses appels à la tolérance, son scepticisme ne lui valent guère d'amis en un temps où, sous couvert de patriotisme, se règlent des comptes plus ou moins sordides. Mais Paraz dit ce qu'il a à dire et se moque des conséquences. Antoine Blondin le décrit parfaitement : "Son tempérament le précipite au-delà des calculs." En d'autres mots, il charge les moulins à vent d'abord, réfléchit ensuite.

A la décharge de Paraz, il faut admettre qu'il se choisit des ennemis à sa mesure : " On ne peut pas assommer un malheureux petit chanteur de charme. Tandis que de Gaulle, par exemple, c'était de l'article solide. Et Mauriac ou Sartre, c'est pas mal non plus. Je leur souhaite longue vie pour pouvoir les engueuler encore en l'an 2000. " Il ne s'attaque en fait qu'à ceux qui, d'une façon ou d'une autre, détiennent le pouvoir, qu'il soit politique, financier, médiatique ou intellectuel.

Ce provocateur ignore toute prudence. Il est bien téméraire de présenter dans un roman en 1946 un personnage qui confond Pétain et de Gaulle : " Montalban, lui, aimait Pétain pour avoir, croyait-il, voulu la défaite et démoralisé l'armée. Il aimait de Gaulle qui, donnant l'exemple aux civils de tirer sur les soldats d'occupation, portait le coup de grâce aux dernières traditions militaires. Pour Montalban, de Gaulle et Pétain, les deux fossoyeurs de l'armée étaient un tandem historique, il se refusait à les examiner séparément. "

Dans l'esprit de Paraz, tout le mal vient de ceux qui croient être dans leur droit, avoir Dieu ou l'Histoire, la morale ou la force, de leur côté : "L'horreur, c'est la certitude. Quand on est sûr qu'on travaille pour l'éternité, on écrase des millions d'hommes. On ne peut pas faire à moins, Saint Just l'a dit. On ne peut pas s'en empêcher." Pour son malheur, Paraz, lui, est convaincu que "Personne n'a jamais raison, nom de Dieu. Il n'y a pas de vérité sans part d'erreur, et pas d'erreur sans part de vérité."

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