LES EXCENTRIQUES
ARTHUR CRAVAN - INTRO ET SOMMAIRE
Arthur Cravan
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FABIAN LLOYD
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GALERIE ISAAC CRAVAN

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A Paris, Cravan souffre d'un manque chronique d'argent. Ni la poésie, ni la boxe, ni les économies de Renée, sa maîtresse, ne suffisent à nourrir sa grande carcasse. Sa mère, persuadée qu'il "est tombé dans les mains d'une créature qui a sûrement une influence néfaste sur lui, qui le maintient dans des idées de folie des grandeurs et de vanité incommensurable", lui coupe les vivres en 1910. Cela lui servira de leçon, pense-t-elle, et "plus tard quand il n'aura plus rien et ne sera qu'une pauvre épave, nous ferons pour lui ce que nos moyens nous permettront."(Lettre de Nellie Lloyd).

Heureusement, le poète-pugiliste a de la ressource. Ne s'est-il pas vanté naguère du cambriolage en 1904 d'une bijouterie de Lausanne? Sa carte de visite porte, entre autres titres, ceux de "chevalier d'industrie", "rat d'hôtel" et "cambrioleur".

Il se débrouille donc. Par exemple, il emprunte de l'argent à Jules Patay de Baj, ami et mécène de son frère Otho, sous prétexte de mettre au point le projet d'un "aéroplane à ailes battants" (Lettre de Nellie Lloyd). Quand la malheureuse dupe s'inquiète, par l'entremise d'Otho, de son prêt, Cravan, superbe, répond: "Tu lui diras qu'il se considère comme honoré de m'avancer du pognon sans jamais songer au remboursement et que je suis un zigue à la Brummel."

Bien sûr, Madame Cravan mère désapprouve: "Il ne trouvera pas longtemps les gens qui seront dupes et s'il n'est pas bien malin, il se verra arrêter un beau jour pour escroquerie. Tout le monde ne sera pas un bon Patay." (Lettre de Nellie Lloyd à Otho)

Comme il côtoie le milieu des peintres de Montparnasse "où l'Art ne vit plus que de vols, de roublardises et de combinaisons, où la fougue est calculée, où la tendresse est remplacée par la syntaxe et le coeur par la raison et où il n'y a pas un seul artiste noble qui respire et où cent personnes vivent du faux nouveau" (Lettre à André Level), Cravan décide de faire profiter le marché de l'art de ses talents. Pas de scrupule à avoir puisque, de toute façon, "l'Art est aux bourgeois." ("Maintenant" n°4).

En 1914, il annonce l'ouverture de la

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Il réalise quelques opérations de courtage, trop peu pour pouvoir en vivre. Il travaille avec le galeriste Charles Malpel, rue Montaigne, et avec André Level, directeur de la Galerie Percier, que "sa détresse, jointe à des dons indéniables de poète" a ému et qui "est heureux de lui faire faire quelques affaires".

Mais rendre service à Cravan est toujours périlleux. Ayant besoin d'argent pour fuir la France après la déclaration de guerre, Arthur Cravan apporte à Level "un assez ancien Matisse, en même temps qu'un Picasso que je trouvai singulier, du commencement du cubisme, m'assura-t-il, en me priant de ne pas le montrer à son auteur." (André Level, "Souvenirs d'un collectionneur")

Si Matisse reconnaît bien son oeuvre, le Picasso, lui, se révèle être un tableau d'Ortis de Zarate. Cravan écrira de Barcelone à Level une lettre affectueuse: "Je vous dois plus que des remerciements pour le dernier cadeau que vous m'avez fait et si une brouille devait intervenir entre nous - brouille que j'oserai toujours croire momentanée -, à la suite de divergence d'idées sur certain sujet, sachez que vous avez toujours quelqu'un, si petit soit-il, sur lequel vous pouvez compter parce qu'il une dette de reconnaissance."

Précaution inutile, tout comme le "bon Patay", Level avait "oublié tout cela et gardé bon souvenir, tout en le plaignant, du pauvre Cravan."

© Emmanuel Pollaud-Dulian
(Paris - octobre 1998)

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