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ARTHUR CRAVAN - INTRO ET SOMMAIRE
Arthur Cravan
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Golpeador

 
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AFFICHE - Collection Fabienne Bénédict.
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FABIAN LLOYD
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CRAVAN GOLPEADOR

"Rire! Rire! Oui mais rire comme Jack Johnson!"

1915. Tandis que l'on s'entre-tue joyeusement du côté d'Ypres ou de la Marne, Cravan jongle avec les passeports et saute les frontières, vivant de divers trafics et combines. Il veut aller à New York, mettre un océan entre la guerre et lui; mais pour cela il faut de l'argent.

Le 6 décembre, il rejoint son frère, Otho Lloyd, à Barcelone où il s'établit professeur de boxe.

Sa présence est signalée par nulle autre que Marie Laurencin qui écrit à Jean-Emile Laboureur : "Barcelone est une ville affreuse et les Catalans sont dégoutants mais je ne comprends pas leur langue, c'est déjà un repos. J'ai été une douzaine de jours dans un endroit assez charmant, Tossa. Il y avait quelques Juifs polonais au courant des derniers racontars parisiens. Picasso a lâché le cubisme, etc... Cravan et sa femme... Lui, peut être intéressant. Manque d'esprit, ce qui me le rendait insupportable. Sa femme : une concierge excitante."

Jack Johnson, le champion déchu (qui a perdu son titre contre Jess Willard, le "grand espoir blanc", le 5 avril 1915, au terme de vingt six rounds à La Havane) se trouve lui aussi en Espagne où il cherche à monter un combat qui rétablirait et sa réputation et ses finances.

Il apparaît vite qu'avec sa carrure de "colosse blond", ses deux mètres, ses cent kilos, son titre de champion de France, Arthur Cravan pourrait tenir, devant un public catalan novice en matière de boxe, le rôle du challenger.

Un arrangement est conclu autour d'une table d'une des boîtes de nuit du Barrio Chino. Cravan accepte de se faire casser la gueule par Johnson en échange d'un pourcentage de la bourse de 50.000 pesetas promise au vainqueur. Prudent, il exige une avance immédiate de 5.000 pesetas. Les deux boxeurs signent le contrat le 25 mars à Madrid.

Reste à chauffer le public. Deux semaines durant, Hernandez, le manager de Johnson, s'efforce de persuader les Catalans que Cravan, "le très formidable boxeur anglais", "le formidable athlète de la race blanche", est "sans discussion le meilleur des boxeurs" qui soit jamais passé par Barcelone.

Malgré les affiches qui couvrent les murs de la ville, malgré les séances publiques d'entraînement de Cravan, d'abord au gymnase Bricall, puis à l'Excelsior, la presse catalane n'est guère dupe et dénonce "la grande escroquerie", "la parodie à l'odeur de pesetas".

Le dimanche 23 avril, ce sont seulement de 4.000 à 5.000 spectateurs qui prennent place sur les gradins de la Plaza de Toros Monumental, attirés par la "Gran Fiesta de Boxo" et "el sensacional encuentro entre el campion del mundo Jack Johnson, negro de 110 kilos, y el campeon europeo Arthur Cravan, blanco de 105 kilos". Une équipe de cinéma est même présente pour tourner un film à la gloire de Jack Johnson.

Le match doit durer vingt rounds de trois minutes. Au signal de l'arbitre, Cravan se met en garde, protégeant son visage derrière ses gants levés, et, stoïque, attend que ça passe. Johnson l'engueule: qu'il se batte, que ça fasse vrai! Le champion noir a beau bourrer de coups les côtes de son adversaire, lui botter les fesses, rire, menacer, rien n'y fait. Cravan refuse de se découvrir. Plus tard il racontera: Johnson "a ri , et je crois bien que j'ai ri aussi. Je savais que j'allais être battu. - encore que je doive dire que cela faisait deux ans que je n'avais pratiquement pas enfilé les gants (...) Nous n'étions ni l'un ni l'autre en pleine condition physique. J'ai été très vite essoufflé." ("The Soil" n°4)

Au sixième round, touché à l'oreille par un crochet, Cravan tombe. Ou se laisse tomber. L'arbitre ne peut faire autrement que de le compter k.o.

Furieux, les spectateurs exigent d'être remboursés, saccagent les gradins, prennent le ring d'assaut. La police doit intervenir pour protéger Jack Johnson (qui passera la nuit au commissariat) et faire évacuer les arènes.

Sa part en poche et sa belle gueule intacte, Cravan est ravi: "Et sous mon crâne de homard, je remuais mes globes de champion du monde." Il vient de confirmer la légende du poéte - pugiliste. Il est monté sur le ring et il a affronté le champion du monde poids lourds, le fameux Jack Johnson, celui là même que Cassius Clay, orfèvre en la matière, décrira comme "le plus grand boxeur qui a jamais existé." Alors au diable les détails!

© Emmanuel Pollaud-Dulian
(Paris - octobre 1998 - novembre 2001)

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